Le grand chef Paul Bocuse, « Cuisinier du Siècle », s’est éteint chez lui dans la matinée du 20 janvier 2018.
Et nul doute que là-haut, ce goulu de la vie va se prendre du bon temps, aux côtés de ses amis Roger Vergé, Gaston Lenôtre, Jean Troisgros, Jacques Pic…
C’est qu’il en a côtoyé du monde en 75 années de carrière ! Et tout ça depuis L’Auberge du Pont de Collonges, son restaurant de Collonges-au-Mont-d’Or, près de Lyon. D’ici il a rayonné sur le monde et créé un empire constitué d’écoles, de restaurants, brasseries, lieux de restauration rapide, à Lyon principalement, mais aussi au Japon et aux Etats-Unis.
Né dans une famille de cuisiniers de père en fils, entré en apprentissage à 16 ans, c’est par une femme – mais comment pourrait-il en être autrement pour ce fou des femmes – que tout commence. Eugénie Brazier, la célèbre « Mère Brazier » de Lyon, première femme triplement étoilée en 1933, lui inculque la rigueur. Le grand Fernand Point, à Vienne (Isère), deviendra ensuite son « maître à penser ». Paul Bocuse obtiendra dans le restaurant familial sa première étoile au Michelin en 1958, une deuxième deux ans plus tard et la troisième en 1965 (grâce à une mousse de homard préparée « à la Constant Guillot » et servie avec un corton Clos du Roy). Conservées jusqu’à ce jour, ces 3 étoiles lui auront survécu.
On viendra à L’Auberge du Pont de Collonges du monde entier pour déguster sa « poularde demi-deuil », son « gratin de queues d’écrevisses », ou sa « soupe VGE », un consommé à la truffe surmonté d’un dôme de pâte feuilletée créé en 1975 pour sa nomination au titre de Commandeur de la Légion d’honneur : à la base, une farce faite par ses amis, entérinée par le président de la République. Adepte de la cuisine traditionnelle, Paul Bocuse aimait le beurre, la crème, le vin, les plats simples comme le pot-au-feu ou le bœuf bourguignon. Son livre de cuisine trônait chez nous en belle place dans la cuisine et nous y piochions souvent de belles recettes, ma mère, ma soeur et moi. Mais je me souviens que nous divisions les proportions de beurre par deux !
Meilleur Ouvrier de France (1961), on dit que c’est lui qui a soufflé à la maison Bragard l’idée du col bleu-blanc-rouge pour identifier le MOF parmi les cuisiniers.
En 1987, son nom est devenu celui d’un des plus grands concours internationaux de cuisine : Le Bocuse d’Or, remis aux termes des épreuves de la grande finale mondiale qui a lieu tous les deux ans, en janvier lors du Sirha à Lyon. Mikuy y était. Retrouvez ici le reportage complet sur Lyon.
En 2015, Paul Bocuse célébrait les 50 ans de ses 3 étoiles. En 2017, il était venu à Monaco célébrer ses 81 ans sur l’invitation d’Alain Ducasse. Dans la vie, il n’y en avait pas deux comme lui, excepté son double en cire au musée Grévin.
Il se serait damné pour du fromage blanc avec une louche de crème. Passionné de musique militaire, il aimait également crayonner à ses heures et lancer des phrases devenues cultes : « Il n’y a qu’une cuisine : la bonne ! »; « Travailler comme si on allait mourir à 100 ans et vivre comme si on devait mourir demain »; « Le chemin du cœur passe par le ventre »; « Recevoir quelqu’un, c’est se charger de son bonheur »; « Je n’ai rien appris à l’école. Je préfère savoir que 1947 était un bon millésime ».
Amoureux des animaux (il avait 18 chiens), on lui prêtait le don de savoir imiter le cri des oiseaux et d’hypnotiser les coqs : perso, je pense que c’était pour séduire Brigitte Bardot ! Car Paul Bocuse aimait les femmes, pour ne pas dire qu’il en était fou. « J’adore les femmes et nous vivons trop longtemps de nos jours pour passer une vie entière avec une seule » disait-il.
En cuisine apparemment, ça lui a réussi !