Jacques Gantié : « la cuisine française reste la référence »

Identités, forces et tendances de la gastronomie française : le journaliste critique gastronomique décrypte pour nous le paysage.

Mikuy : On entend dire aujourd’hui que les Espagnols et les Italiens sont meilleurs que les Français ?

Jacques Gantié : Depuis une dizaine d’année et plus, on peut manger très bien partout dans le monde entier. Alors on assiste effectivement à une contestation de la suprématie de la cuisine française, mais il ne faut pas oublier que c’est grâce à sa notoriété et à l’influence de ses grands chefs que la situation est ce qu’elle est. La nouvelle génération montante de chefs célèbres à l’international est souvent venue se former en France ou auprès de ses meilleurs ambassadeurs.

Mikuy : Votre chef du moment ?

Jacques Gantié : Simon Rogan, ce jeune chef du Claridge à Londres. J’adore sa cuisine très claire, épurée et magnifique. Il y a aussi les frères Rocca à Barcelone. Les Espagnols sont et ont été très bons à la fois dans le classique et la créativité incarnée par un Ferran Adria (réouverture prochaine annoncée). J’ai d’ailleurs trouvé ridicule toutes les campagnes menées contre lui ou pour lui. Il n’incarnait pas un courant, il était unique. C’est ceux qui l’ont copié qui étaient dangereux.

Mikuy : Quelles sont les forces de la gastronomie française aujourd’hui ?

Jacques Gantié : D’abord un ancrage sur les terroirs de plus en plus fort chez les jeunes vignerons, agriculteurs et producteurs. Mais la mondialisation les met en danger. Une des issues pour les meilleurs est de travailler avec la restauration. Du coup, ça reste élitiste.

Il y a aussi son antériorité : ces chefs qui, dans le sillage d’Auguste Escoffier, ont ouvert la voie et continent de montrer le chemin : Ducasse, Gagnaire, Robuchon, Guy Savoy… Entre leur business, leur savoir-faire, leur façon de former les générations, de s’entourer, ils font de la France une référence et un point d’ancrage.

Mikuy : Si on devait définir une tendance ?

Jacques Gantié : Les grands chefs mettent en avant des produits de très haute qualité, légumes, viandes, poissons, vins… Plus qu’une tendance, on voit une évolution vers une cuisine plus naturelle que personnellement je ne souhaite pas protectionniste. Je suis pour la défense des identités mais contre les chartes réductrices.

Mikuy : Le contexte actuel est-il favorable à la gastronomie ?

Jacques Gantié : Dans les périodes d’économie difficile comme aujourd’hui, les gens sont renfermés sur eux et plus enclin à aller déguster des plats classiques même retravaillés. C’est intéressant mais ce n’est pas ce qui fait pas avancer. Les créateurs et preneurs de risque – comme Mauro Colagreco ou Christophe Duffau sur la Côte d’Azur – sont pénalisés.

Retrouvez Jacques Gantié en conférence, le samedi 31 octobre, à 16h30, sur le salon Gastronoma, au Palm Beach, à Cannes. Entrée libre. Site : http://www.salon-gastronoma.fr

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