Chef Christian Sinicropi : l’Art dans l’Assiette !

Fichtre : le FIF est reporté ! Cette année, en raison du COVID-19, le Festival International du Film de Cannes n’aura pas lieu aux dates prévues. L’événement devait se tenir du 12 au 23 mai… Pour vous, Mikuy revient sur ses interviews culinaires phare de l’événement. Aujourd’hui, rencontre avec Christian Sinicropi, chef de la Palme d’Or, à Cannes… 

« Christian Sinicropi : l’Art dans l’Assiette ! »

« Chaque  année, c’est le même cinéma : on attend avec impatience que le rideau se lève sur le fameux menu de gala du jury servi en ouverture à La Palme d’Or.  Puis on s’émerveille : « mais donc le chef va-t-il piocher toutes ses idées ? ». Nous lui avons demandé…

En 16 ans, c’est devenu un rituel : le premier dîner de gala du jury du Festival du Film est toujours servi à la Palme d’Or. Depuis ce temps-là, les jurys se suivent avec leur personnalité et les assiettes ne se ressemblent pas. Mais l’aventure a pris un nouveau  tournant le jour où le chef Christian Sinicropi a décidé de marier contenu et contenant… « Je voulais des assiettes qui reflètent la personnalité du président du jury, inspirées de son oeuvre cinématographique » explique ce cinéphile passionné. « Gilles Jacob a tout de suite adoré l’idée ».

Tim Burton, Robert de Niro, Nanni Moretti, Steven Spielberg, Jane Campion, Ethan et Joel Cohen – et cette année Georges Miller – : chacun, chacune est célébré avec un menu dédié et un duo d’assiettes personnalisées en céramique, une pour le plat, une pour le dessert.

« Au début je travaillais avec l’artiste Glag. Aujourd’hui je conçois ces supports avec ma femme, céramiste, dans notre atelier » explique le chef. Ma réflexion commence dès que le nom du président du jury est connu. L’entrée dans l’univers du réalisateur est chaque fois la même : j’ai vu ou je visionne ses films. J’aime voir le jeu des acteurs qui prêtent leurs corps à l’esprit d’une personnalité, même fictive, et je m’immerge dans l’univers du réalisateur pour capter l’essence de son message. Je me renseigne, j’analyse, je ressens des choses, je me laisse prendre puis je laisse décanter. Dans ma tête, le travail se poursuit. Un jour, je me pose devant ma feuille. Ca sort ou pas. Ca vient quand ça veut… »

Secret défense !

De la première esquisse naîtra une maquette, puis un prototype en terre retouché autant de fois nécessaire avant le produit final qui partira à la cuisson : un jeu rare de 2×26 pièces que personnne ne verra avant le jour J… « Ce n’est pas que je veuille cacher des choses, non. Je ne veux simplement pas gâcher le plaisir de la découverte mais au contraire en préserver tout l’intensité ».

Secret défense pour les supports, secret défense pour le menu aussi, choisi entre quatre yeux : ceux de Pierre Lescure et du chef. « Il me donne une direction pour les ingrédients. Je lui propose de choisir entre deux entrées, deux plats, deux desserts ».

En amont, les supports ont été pensés « de façon à laisser de la place à la réflexion de la cuisine ». L’an passé, Christian Sinicropi s’était inspiré de l’univers sombre du duo des frères Cohen et proposé un menu végétal et iodé, minéral et ancré dans la terre. « J’ai beaucoup aimé leur vision de l’échec, attachée à une action et non à l’être et respectueuse de l’identité ». Cette année, son oeuvre incarne « la dimension cosmique et l’humour dérision » de l’oeuvre de Georges Miller présents dans Les Sorcières d’Eastwick, Happy Feet, La Quatrième Dimension.

Une démarche du « Nous »

La magie opère à chaque rendez-vous. Le chef crée, soigne la mise en scène jusque dans le service et le jury s’émerveille…. En 2013, pour Steven Spielberg, les serveurs s’étaient déployés comme un banc de requins autour de la table sur la musique des Dents de la Mer avant de déposer les plats devant les convives. « Spielberg a été pris d’un fou-rire qui ne s’arrêtait plus » se souvient le chef. De Niro est venu l’embrasser en cuisine. Jane Campion a reçu la plus belle « Leçon de piano » de sa vie sur une assiette ornée de touches en céramique noire et blanche. Tim Burton n’aurait pas mieux dessiné le haut-de-forme…  Et pas question pour certains de repartir sans les supports !

Sans ce dîner de gala d’exception, les soirées fastueuses du Festival du Film seraient orphelines. « C’est une vraie démarche collective, un mouvement, une oeuvre commune avec mon épouse et l’ensemble des équipes de l’Hôtel Martinez » souligne le chef. « Nous sommes acteurs de tout ça, une pièce du grand puzzle. Ce dîner fait partie de l’histoire du Festival du Film et du Martinez. On ne pourra jamais leur enlever ».

Interview mai 2016, pour l’agence azuréenne de communication O2C

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